J’ai raconté dans mon entretien avec Jean-Charles Massera (*) que j’avais la sensation, à travers ce procédé de prise de vue, de chasser des fantômes, de les faire sortir en pleine lumière, de les mettre au jour, ou peut-être les inventer tout simplement. Il était alors temps de leur donner une place réelle.

Pour cela, il me fallait plus que mes mains pour les accueillir pleinement. J’ai trouvé dans une bâche le catalyseur idéal à cette recherche. Il est à rappeler que le rôle d’un catalyseur est d’accélérer un processus. Il ne rentre pas lui-même dans l’échange final, il le facilite.

Ainsi, cette bâche devrait me faciliter le travail dans mes recherches sur ces fantômes, mais elle ne saurait se confondre avec eux. Elle est, et elle reste une simple bâche. Elle est juste le pont entre eux et moi, elle est le facilitateur de notre dialogue.

Ainsi, je pars déambuler indolemment, bâche en main, presque comme un sourcier avec son bâton, ou comme la femme avec sa bûche. Je me force à être en ouverture au monde, je me libère de tout ce qui m’empêcherait de sentir les vibrations de la bâche.

Et puis, il arrive un moment où la bâche s’éveille. Elle me signale par son action la possibilité d’une rencontre. Je déploie alors mon dispositif. Celui-ci est rudimentaire. Ici il ne faut pas faire trop étalage de moyens techniques et surtout il faut aller vite, l’instant de la rencontre est souvent éphémère.

Une fois la chose faite, je dispose la bâche au mieux dans l’espace, de manière à ce qu’elle soit le plus à même de recevoir et de traduire la rencontre ; et moi, je me tiens au bord afin de ne pas la perturber ; j’attends, patient.

Alors, il arrive parfois que ces fantômes m’autorisent à saisir quelque chose de ce moment, quelque chose d’eux, quelque chose de leur contact à notre monde. Je les remercie de m’avoir accordé ce privilège et espère ne pas avoir trahi leur parole.

Et puis, après, je nettoie la bâche, elle retourne dans sa housse protectrice, dans l’attente d’un prochain rendez-vous. Enfin, rassurons-nous, la bâche n’aura pas été mal traitée, elle ressort indemne, comme tout bon catalyseur et moi je la regarde, toujours surpris par ce qu’une simple bâche peut offrir.

(*) entretien avec Jean-Charles Massera

II. CE QUI SORT

J’ai trouvé dans une bâche le catalyseur idéal à cette recherche…